Heritage Logo

À la recherche des origines d’Ogden

Marie-Andrée Courval
Réviseur linguistique : Jean Bourque

Ogden un secret bien gardé? En effet peu nombreux sont ceux qui en ont entendu parler et encore plus rares ceux qui en connaissent les attraits. Pas besoin d’aller bien loin pour voir se dessiner un gigantesque point d’interrogation sur le visage d’un interlocuteur à l’annonce du nom de notre belle municipalité, résultat de la réorganisation, en 1932, du Canton de Stanstead. En voici la petite histoire.

Un vent de fronde
Un vent de fronde souffle sur le Canton de Stanstead en 1930, car une large section de celui-ci n’est pas représentée au sein du conseil municipal. Les contribuables laissés sans voix se liguent et envoient au Ministre des Affaires municipales du Québec, M. Oscar Morin, une pétition de 190 noms réclamant la création d’une nouvelle municipalité. Les pétitionnaires sont majoritaires à 80 % dans le secteur revendiqué, ils soutiennent que le canton couvre une trop grande superficie territoriale et n’est pas en mesure de défendre efficacement les intérêts de tous ses citoyens.

Le domino des séparations
Le canton de Stanstead a déjà subi plusieurs fractures lors des sécessions de Stanstead plain (1857), Beebe Plain (1873) et Rock Island (1892). Aux yeux du Ministre une nouvelle partition en appellera inévitablement une autre puisque le retrait d’Ogden laisserait le Canton de Stanstead avec une géométrie inappropriée en forme d’équerre. (La municipalité de Stanstead-Est sera effectivement créée le 16 juillet 1932, six mois après la création d’Ogden.)

Pourquoi le nom d’Ogden?
Isaac Ogden (1739-1824) est un personnage aussi méconnu que la municipalité qui porte son nom. Pourquoi l’avoir choisi ? Pour honorer la mémoire de cet avocat loyaliste ayant perdu tous ses biens après la victoire des Patriotes américains contre la couronne britannique. Arrivé au Canada en 1788 avec le titre de juge de la Cour d’amirauté, il se voit concédé une terre de 25 000 acres sur les rives du lac Memphrémagog qu’il appréciait particulièrement. Cette terre représente alors la moitié du Canton de Stanstead et correspond à l’emplacement actuel de la Municipalité d’Ogden.

Le nouveau territoire

Le territoire réclamé serait limité au sud par les villages de Beebe et Stanstead ainsi que par l’État du Vermont, à l’ouest par la Baie Narrows, à l’est par le 11o rang et au nord par le 16o rang. Selon la division proposée, la partie nord-ouest du canton hériterait des chemins de montagnes les plus difficiles, mais également de la valeur foncière la plus élevée en raison des riches propriétés riveraines du lac à Georgeville et Fitch Bay. La section Est (Ogden), quant à elle, aurait à entretenir un plus grand nombre de ponts, mais profiterait d’une solide route de béton (devenue la route 247), d’exploitations agricoles de plus grande valeur, des carrières de granites et du village de Tomifobia.

Des négociations houleuses
Le 14 juin 1930, le conseil municipal du Canton de Stanstead vote une résolution de protestation contre le projet de scission de la municipalité. Plusieurs d’entre eux estiment avoir jusqu’alors assuré une bonne gestion de la municipalité et jugent que la création d’Ogden serait injuste, car les coûts d’entretien des routes dans ce secteur sont moins importants qu’ailleurs dans le canton. D’autres, par contre, voient d’un bon œil cette partition du territoire et jugent important de respecter la volonté des pétitionnaires. Trois pétitions contre la division du Canton de Stanstead sont successivement envoyées au lieutenant-gouverneur. Elles ont été signées, entre autre, par certains résidents du territoire visé par la création de la nouvelle municipalité. La première pétition porte 135 noms, la deuxième 125 et la troisième 155, mais ces chiffres ne dépeignent la réalité puisque les noms de nombreux citoyens figurent sur les trois pétitions.



Le Ministre des Affaires municipales est du même avis que les sécessionnistes, le Canton de Stanstead est effectivement trop grand et il devra tôt ou tard être divisé pour assurer une meilleure gestion. Il organise plusieurs rencontres entre les parties afin d’arriver à une entente. Ces rencontres ont lieu à Tomifobia, mais n’aboutissent à rien. Même les partisans de la scission n’arrivent pas à s’entendre sur des questions relatives aux limites du territoire et à la valeur des infrastructures routières des différents secteurs. Le Ministre suggère la formation d’un comité regroupant les tenants des divers points de vues qui auront deux mois pour s’entendre sur les limites du futur territoire d’Ogden. Devant le manque de coopération et d’écoute des parties, le ministre convoque à Québec une délégation de 20 personnes des deux camps en vue de dénouer l’impasse.

Le 12 janvier 1932, le lieutenant-gouverneur tranche la question et accorde aux demandeurs la création de la nouvelle municipalité. Le comité exécutif du canton de Stanstead ayant déjà approuvé la demande le 11 janvier, le nouveau canton d’Ogden est créé dans la partie centre-sud du canton de Stanstead.

D’âpres discutions avaient déjà lieu depuis plusieurs mois au sujet de la division des biens, des dettes et du budget entre le conseil municipal du Canton de Stanstead et les représentants d’Ogden. C’est finalement en fonction de l’évaluation foncière que le passif et l’actif sont finalement divisés entre les deux municipalités. L’évaluation d’Ogden s’élève à 356 175 $ et celle du Canton de Stanstead à 895 835 $. Après répartition du passif et de l’actif, Ogden voit le jour avec un actif de 7 109,45$ et un passif de 17 128,37$.

Cocasserie
Fait pour le moins cocasse, W.B.Bullock, le premier maire du canton d’Ogden, et la plupart des conseillers Burbank, Bacon, Rediker, Burgess, Miller et Lussier faisaient pourtant partie des opposants à la création de la nouvelle municipalité.